Page:Du Camp - Paris, tome 3.djvu/15

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du jury qui prononce sur le sort du premier, il répondra : Oui, sans hésiter, parce que, se dira-t-il avec bonne foi peut-être, il faut faire un exemple et rassurer la société.

Un vieux proverbe dit : Généreux comme un voleur, et le proverbe a raison. Le voleur qui entasse et thésaurise est une anomalie qu’on ne rencontre que chez certains receleurs de race juive. Dès qu’un malfaiteur a fait un bon coup, il donne l’argent à tort et à travers, il paye ses dettes, habille ses camarades, invite tout le monde à partager sa bonne fortune ; il a le cœur sur la main, comme on dit, et ne sait rien refuser. Le premier soin qu’eut Firon, après avoir assassiné la servante de M. de Tessan et volé avec effraction dans le domicile de ce dernier, fut d’acheter des bonbons pour la fille de sa maîtresse. Comme ils sont l’objet d’une surveillance perpétuelle, ils se dénoncent eux-mêmes par ces excès de dépenses qui sont pour eux une sorte d’invincible besoin, et ils tombent promptement entre les mains de la police. Ils se savent toujours traqués ; le vol commis aujourd’hui peut amener leur arrestation dès demain ; ils se hâtent de jouir et de jeter à la débauche le temps que la prison leur laisse encore. Ils sont en outre vaniteux : ils se font gloire de l’énergie, de l’adresse qu’il leur a fallu déployer pour fabriquer telle affaire, et si l’on doute de leur assertion, ils montrent, ils donnent l’argent volé pour bien prouver que le vol a réussi. Ils se désignent aussi par un changement subit de costume ; ils aiment les couleurs voyantes, les bijoux apparents, et s’en affublent aussitôt qu’ils peuvent ; quand ils sont pauvres et demi-nus, qu’ils n’ont point trouvé l’occasion d’un méfait de quelque importance, ils achètent à bas prix, dans des boutiques de rencontre, la première défroque venue qui les met du moins à l’abri de la pluie et du froid.