Page:Du Camp - Paris, tome 3.djvu/17

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fort belle écriture, était employé chez un entrepreneur de copies ; il avait déjà commis plusieurs crimes, car il n’était connu alors que sous le faux nom de Gaillard, qui fut un de ses trente-deux pseudonymes ; il dînait fréquemment dans un petit restaurant, où des artistes, des clercs d’huissiers, des débutants littéraires, venaient prendre leurs repas. Un jour, deux auteurs dramatiques d’un ordre peu élevé firent prix avec lui pour la transcription d’un drame, le lendemain, Lacenaire leur remit le manuscrit en déclarant qu’il ne voulait pas le copier. « J’ai lu la pièce, dit-il, et je la trouve trop bête. »

On dirait, à voir l’insensibilité absolue de certains criminels et leurs instincts si naturellement féroces, qu’ils sont nés hors de l’humanité, comme des animaux malfaisants doués de parole et destinés à épouvanter les hommes par des actes incompréhensibles. Boutillier, âgé de vingt et un ans, frappe sa mère de cinquante-six coups de couteau, puis, comme il se sent fatigué, il se couche sur le lit, à côté du cadavre, et, — je cite son expression, — passe une bonne nuit. Qui ne se souvient de ce Ternon, âgé de seize ans, qui étrangle et écrase, près de Saint-Denis, un pauvre petit enfant de trois ans que son complice Castex et lui avaient abominablement souillé ? Dans des cas pareils, en présence d’une perversité si profonde, si radicale, si prématurée, est-ce bien à la justice qu’il faut livrer un tel monstre, et n’appartient-il pas de droit aux médecins aliénistes ?

Une telle suppression des sentiments les plus simples est rare chez les jeunes gens, mais elle se rencontre assez fréquemment chez les vieillards, chez ceux qui, passant selon l’occasion des délits aux crimes, du vol au meurtre, semblent ne plus rien redouter. Pour ceux-là, ils font un métier qui a des chances bonnes ou mauvaises ; ils disent : Il y a de l’ouvrage ; ils se plaignent