de quinze à vingt ans au delà de leur condamnation[1] ». En cela Colbert suivait une tradition léguée par les rois de France. Henri IV lui-même, le roi « de la poule au pot », par lettres patentes du 6 juin 1606, recommandait de garder les forçats pendant six ans, « nonobstant que les arrêts fussent prononcés pour moins de temps. » Telle était la façon dont la vieille monarchie française envisageait ce qu’il y a de plus sacré au monde, la liberté humaine[2]. L’homme une fois arrêté, — criminel ou non, — devenait une sorte de bétail, moins que cela, une chose qu’on jetait dans un trou, pêle-mêle avec des misérables, des fous furieux de la vermine et des immondices. Ces cachots, ces géhennes, ces in-pace étaient des caves sans air et sans jour ; des gens s’évanouirent en y pénétrant ; d’autres y moururent et s’y décomposèrent, ajoutant pour les survivants l’horreur du sépulcre à l’horreur de la prison. Pour nourriture, le pain noir et l’eau ; comme traitement, le fouet. À Saint-Lazare, à la Salpêtrière, à Bicêtre, on fouettait : qui ? les condamnés ? Non pas, mais les prévenus et même les malades. Beaumarchais s’est toujours défendu d’avoir été soumis à ce traitement ignominieux, et cependant rien ne prouve qu’il ait pu se soustraire à une règle générale. On couchait sur de la paille, qui promptement devenait du fumier ; des arrêts de règlement du 10 décembre 1665, du 15 janvier 1685, du 18 juin 1704, du 1er septembre 1717, disent que « les geôliers sont tenus de donner de la paille fraîche, tous les mois pour les cachots clairs, tous les quinze jours, pour les cachots noirs ». Dans son Histoire du Châtelet de Paris, M. Ch. Desmaze cite une description du For-
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