Page:Du Camp - Paris, tome 3.djvu/245

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sins généraux et la boulangerie des prisons de la Seine. Jour et nuit, les fours flambent et les pétrins sont en action ; la moyenne des fournées est de trente-deux par vingt-quatre heures, donnant chacune deux cent trente pains. La lingerie est intéressante à visiter ; il y plane une vague odeur d’eau de Javelle qui prouve au moins que les lessives sont fréquentes. Sous la direction d’une femme alerte et fort entendue, les chemises, les draps, les chaussettes, les bonnets sont rangés dans des casiers séparés, plus loin voici les camisoles de force en toile à voile, bouclées de sept courroies, destinées à réprimer la résistance des furieux ou à paralyser toute velléité de suicide chez les condamnés à mort ; ailleurs voilà les suaires en grosse toile bise dans lesquels on roulera les prisonniers qui auront enfin vu tomber les chaînes de cette vie.

Dans un autre corps de logis pourvu de larges emplacements, on a empilé les couvertures, les vestes, les pantalons, objets de drap qui doivent être soustraits à l’action dévorante des mites. Tout le linge, tous les vêtements portés par les détenus de Paris sortent de cette lingerie, de ce vestiaire, et y rentrent. Chaque année on fait une vente générale des objets qui sont hors de service. Qui croirait que ces loques usées dans les cellules et dans les préaux ont encore une valeur ? Le vieux linge est acheté par les hôpitaux, qui en font d’excellente charpie. Les fabricants de papier trouvant là de la vraie toile de chanvre, s’en emparent pour obtenir ces belles feuilles de papier Tellière ou de Hollande qui deviennent de plus en plus rares ; les chiffons trop lacérés pour être utilisés de la sorte sont acquis par les administrations de chemins de fer, qui les confient aux chauffeurs pour nettoyer les cuivres des locomotives ; les souquenilles de laine sont aussi fort recherchées ; on les dépèce, on les carde à nouveau, on les file et on en