Page:Du Camp - Paris, tome 3.djvu/266

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dant été rendu rationnel et plus humain. La charrette lente, lourde et à claire-voie, avait été remplacée par « le panier à salade », plus rapide, complétement clos, et où du moins le condamné, assis près du prêtre, pouvait cacher à la foule gouailleuse ses dernières expansions et son repentir suprême ; mais la nécessité de faire cette longue route sur des chemins souvent défoncés par l’hiver, au milieu des arrivages de maraîchers se rendant aux halles, constituait à elle seule une redoutable aggravation de peine.

La construction du grand dépôt sur la place de la Roquette amena une modification essentielle dans l’incarcération des condamnés à mort ; on ne les conduisit plus à Bicêtre, on les enferma à la Roquette, dans un quartier spécial. Dès lors le trajet de la prison au lieu du supplice, devant s’effectuer à travers les rues populeuses de Paris, devenait bien plus cruel que le voyage matinal accompli sur une grande route ; on sentit l’inconvénient d’un tel système, qui ramenait en quelque sorte aux errements abandonnés d’autrefois, et pour y remédier on prit un parti dont l’humanité a su profiter. Au mois de juin 1851, après l’exécution de Viou, la place de la barrière Saint-Jacques est délaissée, et le 16 décembre de la même année Humblot fut décapité au rond-point de la Roquette, à la porte de la prison où il avait attendu qu’on prononçât sur son pourvoi en cassation et son recours en grâce. Depuis cette époque, jusqu’aujourd’hui (1869), les vingt et un condamnés à mort qui ont subi leur peine, à Paris, ont été décapités sur cet étroit emplacement, à un endroit qu’on peut facilement reconnaître à cinq dalles encastrées au milieu du pavage et destinées à supporter d’aplomb les chevalets de l’échafaud.

La place semble avoir été choisie avec un discernement singulier. On donne à la loi tout ce qu’elle exige,