de sa vie ; alors il s’émeut, sa destinée lui apparaît, et quelquefois il pleure à sanglots.
Ceux qui affectent le cynisme et qui disent : « Après tout, ça m’est bien égal ! » mentent aux autres pour essayer de se mentir à eux-mêmes et n’en sont pas moins troublés. Il n’y a qu’à les voir : tous, tous sans exception, ils ont un geste qui les trahit ; qu’ils parlent ou qu’ils restent silencieux, à chaque instant ils secouent brusquement la tête comme s’ils voulaient rejeter leurs cheveux en arrière, mais en fait pour chasser une idée tenace, persévérante, que rien ne lasse, qui subtilement profite de toutes les inflexions de la pensée pour revenir, s’imposer et s’emparer de l’être tout entier.
Bien souvent, pour vaincre cet invincible ennemi, il essaye de lire. S’il est illettré, on feuillette devant lui des livres à images que ses yeux regardent et ne voient pas ; s’il sait lire, il demande des voyages, des romans, ceux de Fenimore Cooper surtout, qui l’arrachent à son milieu, l’emmènent dans un monde d’aventures, chez des peuples où la loi est embryonnaire, où il est glorieux de tuer, où pour vivre il faut lutter, combattre, où toute fortune est promise au plus hardi, au moins scrupuleux. Il a beau se roidir, s’astreindre à relire la même page, le sens lui échappe ; trop imprégné de sa propre histoire, il n’a pas compris celle que l’auteur a racontée. Parfois, — Momble était ainsi, — il s’absorbe dans la lecture répétée, dans l’étude des livres de prières, dont il s’efforce de se pénétrer. Qu’y cherche-t-il ? une consolation ? Peut-être ; à coup sur une espérance de pardon, une promesse de vie future et de délivrance.
Pour des motifs que l’administration apprécie, par une indulgence dont très-souvent le secret échappe, quelques rares condamnés ont obtenu la faveur — c’en est une grande — d’être débarrassés pendant le