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Page:Du Camp - Paris, tome 3.djvu/279

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accusent des plumes différentes ; c’est qu’alors l’avocat, poursuivant quand même son œuvre de salut, a été à domicile visiter individuellement chaque membre du jury et a tâché d’obtenir qu’il apostillât le recours en grâce. Quelques jurés, n’osant pas refuser ouvertement, font suivre leur nom d’une phrase restrictive. Dans l’affaire La Pommeraye, les jurés furent sollicités chez eux, l’un après l’autre. Capé, le grand relieur, le rival des Desrome et des Pasdeloup, un lettré à ses heures, était bien troublé sans doute, car, après avoir signé, pour mettre sa conscience en repos et souhaiter au coupable un repentir qu’on pouvait ne pas prévoir, il écrivit : À la condition qu’il se repende. »

Toutes ces pièces réunies et formant ce que l’on nomme un dossier sont envoyées au conseil d’administration du ministère de la justice, conseil composé du secrétaire général, du directeur des affaires criminelles et des grâces, du directeur des affaires civiles, assistés d’un secrétaire. Rien n’est négligé ; on pèse les motifs qui militent en faveur du coupable ; souvent on se fait renseigner sur l’attitude qu’il a dans sa prison ; on étudie la cause à nouveau ; c’est en quelque sorte une révision complète du procès, à la suite de laquelle on rédige un rapport qui, sur preuves discutées, demande la commutation de la peine ou propose de laisser la justice « suivre son cours ». Ce rapport est transmis au ministre, qui en accepte ou en répudie péremptoirement les conclusions et fait parvenir tout le dossier au chef de l’État. Si, au bas du rapport, au-dessous du mot « approuvé », le souverain, maître absolu d’exercer son droit en toute plénitude, se contente de signer, c’est la mort ; si, au contraire, selon la belle formule usitée encore aujourd’hui, « voulant préférer miséricorde à la rigueur des lois[1], » il trouve que l’expiation suprême

  1. Les lettres de rémission accordées à Pierre de Craon, par Charles VI,