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Page:Du Camp - Paris, tome 3.djvu/300

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même et qu’il pensait : Quoi ! si tôt ! tout va-t-il finir ? Lorsqu’on lui eut passé sa chemise, on le fit rentrer dans la camisole de force, opération lente et cruelle qui prolonge le supplice et ne sert à rien.

Pendant tout ce temps l’aumônier lui parlait à voix basse ; l’homme l’écoutait, mais n’avait pas encore desserré les lèvres. Le visage n’était point décomposé, l’œil était calme, la pâleur n’avait rien d’excessif ; l’âme qui habitait ce corps robuste, modelé avec une vigueur élégante et destiné à vivre cent ans, n’éprouvait évidemment ni colère ni révolte ; elle était résignée, préparée et peut-être, malgré l’inévitable angoisse, satisfaite d’être enfin délivrée. Lorsqu’il fut vêtu et chaussé, l’homme se leva et fît un imperceptible mouvement de tête qui signifiait : Me voilà ! marchons ! En ce moment, le chef de la sûreté lui dit : « Avez-vous quelque chose à révéler qui puisse éclairer la justice ? » Alors et pour la première fois depuis que l’on avait pénétré dans sa cellule, il parla. Il récrimina contre un témoin, qu’il accusait de « son malheur », contre sa propre fille, qui l’avait cruellement chargé pendant l’instruction et les débats. Le prêtre s’approcha, mettant un doigt sur ses lèvres avec un geste de silence, l’entraîna dans un coin et lui dit quelques mots à l’oreille. Le malheureux inclinait la tête, mais sans faiblesse ; pendant quelques secondes il ferma les yeux, comme pour mieux se pénétrer des paroles qu’il entendait. Tous les assistants étaient silencieux et recueillis. On fit un signe au prêtre, qui comprit.

Le condamné, debout, jeta un regard sur sa cellule, et un faible frémissement passa sur ses lèvres serrées ; il s’approcha de deux gardiens et leur dit, en tendant vers eux ses mains emprisonnées dans les manches fermées de la camisole : « Adieu ! vous avez été bons pour moi, je vous remercie. » L’un d’eux, un jeune homme,