Page:Du Camp - Paris, tome 3.djvu/302

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vous prie de les envoyer à mon frère. — Je les enverrai, répondit le directeur. — J’y peux compter, n’est-ce pas ? — Vous pouvez y compter ! — Mon fils, pensez à Dieu ! » dit le prêtre. On entra dans la petite pièce oblongue qui forme l’avant-greffe. Elle était vide, au milieu il y avait un tabouret. De lui-même, avec l’abnégation passive et inconsciente d’un mouton qu’on mène à l’abattoir, l’homme s’assit.

La haute stature de l’exécuteur des arrêts de la justice apparut sur le seuil. Il entra, le chapeau à la main, suivi de ses aides, dont l’un portait un tout petit sac en moquette. L’exécuteur regarda l’homme attentivement, le toisa, en fit le tour avec les yeux, le jaugea et eut un imperceptible signe de tête, qui signifiait : J’en réponds ! On commença la toilette. Deux des aides étaient debout derrière le condamné et surveillaient ses mouvements ; le troisième, un vieux qui avait des gestes d’une lenteur désespérante, posa son sac sur une table, fouilla dans sa poche, y prit une clef, ouvrit le sac, puis en tira des courroies de buffle blanchi armées de boucles et une paire de ciseaux entourée d’un papier qu’il développa avec précaution. Il s’agenouilla. Son dos courbé, les rides de ses joues pendantes, ses cheveux rares et d’un gris terne, contrastaient avec le cou musculeux, la large poitrine, les cheveux bruns et frisés de celui qui subissait ces apprêts funèbres. L’aide lui attacha au-dessus des chevilles deux sangles en forme de bracelets, reliées entre elles par une courroie longue de 0m,30 ; puis on enleva au malheureux la camisole de force ; on lui dit de se lever, il se leva ; on lui joignit les deux poignets derrière le dos ; un ardillon de boucle lui entra dans la chair, il jeta un cri ; son visage, impassible jusque-là, se contracta. Il eut dans les épaules un geste non de colère, mais de vive contrariété, et d’une voix très-douce, un peu sourde, il dit : « Ne me