Page:Du Camp - Paris, tome 3.djvu/307

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peuse, s’écoulèrent entre le moment où le condamné mit le pied sur la première marche et celui où le panier fut fermé. L’exécuteur descendit en courant comme pour fuir l’épouvantable théâtre sur lequel il venait de jouer le principal rôle. La manne est tirée hors de la plate-forme et poussée dans le fourgon qui l’attend, rangé au bas de l’échafaud. L’aumônier, revêtu du surplis, est monté dans sa voiture. Deux gendarmes partent au galop le long des murs de la Roquette. Le corbillard, le fiacre du prêtre, les suivent escortés par deux autres gendarmes. La foule s’écarte, et l’on peut voir au milieu d’elle des filles à la mode qui rient et agitent les bras avec des gestes imbéciles. Le cortège poursuit sa route grand train ; jamais enterrement n’est si rondement mené. On dirait que la justice et la société se hâtent de cacher l’œuvre qu’elles viennent d’accomplir. Tant qu’on est dans la rue de la Roquette, les gens s’empressent sur le seuil des portes ; place de la Bastille, boulevard Contrescarpe, place Mazas, nul ne se dérange ; les gendarmes seuls attirent les regards ; ils ont ralenti l’allure de leurs chevaux, et c’est au trot qu’on traverse le pont d’Austerlitz. Quelques volées de cloches lointaines sonnées au-dessus de Paris qui s’éveille semblent un appel aux prières pour celui qui n’a plus rien à démêler avec les hommes. Sur le boulevard de l’Hôpital, des bandes d’ouvriers alertes et causant se rendent à leurs chantiers ; quelques-uns s’arrêtent avec étonnement et s’interrogent.

Place d’Italie, on devine qu’on se rapproche du cimetière ; les curieux font quelques pas pour suivre les voitures, ils savent ce que le fourgon renferme et ils voudraient voir. Route de Choisy, devant une boutique qui porte pour enseigne : Ici on loue des voiles pour mariage et pour communion, une femme fit le signe de la croix et s’agenouilla ; sur la route d’Ivry, tous les cabarets dé-