Page:Du Camp - Paris, tome 3.djvu/337

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Les gros numéros. — L’estaminet. — L’absinthe. — La phthisie. — Probité. — Les dames de maison. — Feu d’artifice. — Le retrait du livre. — Dans leurs terres.


Lorsqu’une femme est résolue à prendre ce métier qui, quatre-vingt-dix-neuf fois sur cent, mène à la plus abjecte misère, par les chemins de la maladie, de l’alcoolisme et de la débauche, elle se fait inscrire sur le livre sans nom. On lui forme un dossier renfermant toutes les pièces d’identité ou autres qui peuvent fournir des renseignements sur elle ; si elle a subi des condamnations, si elle a déjà occupé les inspecteurs du service actif, si elle a laissé quelque part un souvenir quelconque, on en prend note, et, toutes les fois que le chef du bureau des mœurs la fera comparaître, il lui suffira d’un coup d’œil pour savoir à qui il a affaire. De ce moment, elle n’est plus à elle-même, elle est à l’administration.

On lui remet une carte que, dans leur argot, les femmes de cette espèce nomment la brème, car elle est blanche et plate comme le poisson que l’on appelle ainsi. Sur le recto, on écrit son nom, son âge et sa demeure ; au-dessous, les douze mois sont imprimés, et c’est là qu’elle devra faire mettre le visa du dispensaire, une fois par semaine si elle appartient à une maison, deux fois seulement par mois si elle vit isolément et chez elle. Sur le verso, elle peut lire les prescriptions dont il lui est défendu de s’écarter : à toute réquisition d’un agent de police, elle devra exhiber sa carte ; jamais elle ne stationnera sur la voie publique, où elle ne pourra pas apparaître avant sept heures et après onze du soir ; dehors, elle ne portera pas d’étoffes de couleur éclatante, elle ne sera pas coiffée en cheveux ; elle ne peut se montrer à sa fenêtre, qu’il lui est ordonné de tenir fermée et munie de rideaux ; les abords des églises, des palais, les jardins publics, les