Préfecture de police, où jamais on n’avait eu à s’occuper d’elle, vint d’emblée demander son inscription. Elle fit à la fois horreur et pitié. Un chef de bureau, mû de compassion en voyant tant de jeunesse et de beauté se jeter résolument à l’égout, lui parla et lui montra l’avenir où elle courait. Il lui dit : « Ici, par notre situation même, nous sommes en relation avec des femmes charitables qui ont commisération pour toutes les faiblesses ; elles sont adjuvantes et sérieuses ; elles n’abandonnent point celles qu’elles ont adoptées ; laissez-moi vous mettre en rapport avec une de ces âmes compatissantes ; vous savez lire et écrire, c’est un grand avantage pour vous, et l’on peut en tirer parti ; donnez-nous le temps nécessaire pour tenter quelques démarches, et je vous promets qu’on vous trouvera une place d’ouvrière ou de femme de chambre. » Elle regarda le chef de bureau avec dédain, et lui répondit : « Être domestique, merci ! on ne mange pas de ce pain-là dans ma famille. «
La misère est la principale pourvoyeuse ; car, dans notre état de civilisation, le sort des femmes est des plus douloureux. Le salaire qui rétribue le travail souvent excessif auquel elles sont contraintes de se livrer est insuffisant ; les hommes, par un esprit d’égoïsme qu’on ne saurait trop énergiquement blâmer, leur ont arraché des mains la plupart des métiers qui pouvaient les aider à vivre ; on les a chassées des imprimeries, des magasins de nouveautés, des fonctions de comptable, où elles excellent ; la mode s’en est mêlée, au risque de ce que la morale a pu y perdre, et, pour les femmes du monde, les tailleurs ont remplacé les couturières[1]. Dans certaines administrations publiques, où
- ↑ La mode des couturiers n’est point nouvelle à Paris ; Brantôme, à l’article ii du IVe discours des Dames galantes, parlant d’un laquais qui avait été l’amant d’une grande dame, dit : « Et fut un très-bon tailleur