Page:Du Camp - Paris, tome 3.djvu/355

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prisonnier, passa en police correctionnelle à Paris, fut acquitté et remis à son père. Il n’est peut-être caillou si brut qui ne renferme une étincelle. N’est-ce point une fille publique qui, sous la Terreur, en plein tribunal révolutionnaire, cria : Vive la Reine ! et mérita d’aller mourir[1] ?

Les femmes qu’on appelle en langage administratif les Dames de maison, sont, comme les filles qu’elles groupent autour d’elles, soumises à la surveillance constante de la police. Entre ces directrices et ces pensionnaires de mauvaises mœurs, la haine est permanente et l’exploitation perpétuelle. Il est difficile d’entrer à ce sujet dans des détails circonstanciés ; qu’il suffise de savoir que les filles ne gagnent rien, qu’elles n’ont droit qu’à la nourriture et au logement, dans ces laides maisons où l’on sait les retenir en leur faisant contracter des dettes en échange des mille futilités ou des boissons alcooliques qui les tentent. On frappe avec sévérité sur les maîtresses de maison lorsque le moindre scandale a attiré l’attention, lorsqu’elles ont reçu des mineurs, lorsque les persiennes des croisées ne sont pas cadenassées, lorsque le plaisir vénal a dégénéré en orgie bruyante. On leur recommande par-dessus tout de ne jamais rien faire qui puisse les signaler au public d’une façon particulière, et cependant la folie de ces pauvres êtres est telle, qu’il y a quelques années, toutes les fenêtres, toutes les portes d’un des bouges les plus con-

  1. Vers 1840, on constata qu’il y avait parmi les filles soumises une femme veuve qui se livrait à la prostitution pour avoir le moyen de faire élever ses deux filles, dans un excellent pensionnat ; sa tenue était bonne et nul reproche administratif ne lui fut jamais adressé. Le préfet de police, qui était alors Gabriel Delessert, la fit appeler, lui donna quelque argent, l’engagea à renoncer à l’atroce métier qu’elle exerçait sans que ses enfants s’en fussent jamais doutés et lui promit de l’aider dans l’œuvre de réhabilitation qu’il lui conseillait. Elle revint plusieurs fois le voir, puis disparut tout à coup ; on ne put retrouver ses traces. On a supposé qu’elle s’était retirée en province avec ses filles, lorsque celles-ci eurent terminé leur éducation.