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Page:Du Camp - Paris, tome 3.djvu/363

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d’égalité forcenée, ils ont voulu avoir une vie de privilège ; ils l’ont eue et ils ont formé cette génération que le bon sens populaire appelle vertement les petits crevés ; aussi, lorsque la France a cherché au dedans d’elle même les hommes dont elle avait besoin, elle a vu le vide et n’a trouvé personne.

Dans cette œuvre de décomposition sociale et d’abâtardissement, les femmes galantes ont été des instruments de premier choix ; minotaures femelles, elles ont dévoré les jeunes hommes avec une persistance malfaisante qu’on serait tenté de prendre pour un des instincts de l’espèce ; à les voir pulluler de la sorte, débuter au sortir de l’enfance et s’imposer encore lorsque déjà elles sont sur le seuil de la vieillesse, on dirait qu’elles ont été chargées de remplir quelque mission sociale importante et secrète. C’est à se demander si elles ne sont pas les distributrices du capital, si l’extraordinaire mobilité qu’elles impriment à l’argent n’est point leur excuse, sinon leur raison d’être, et si, dans la vulgarisation des fortunes, elles ne jouent pas le rôle que l’agriculture a réservé au drainage.

Elles ont eu, du reste, dans les opérations financières de notre époque, une importance toute nouvelle et généralement ignorée du public. Tout le monde a remarqué autour des marchands de chaînes de sûreté et d’autres objets de bimbeloterie, qu’il est permis de vendre sur la voie publique, des hommes empressés qui payent sans liarder, s’applaudissent de l’acquisition qu’ils viennent de faire, et, par leurs gestes de satisfaction, semblent inviter les passants à les imiter : ces gens-là sont des allumeurs, ils amorcent les chalands. Eh bien, dans les grandes affaires de banque et d’industrie qui, depuis 1830, ont encombré notre place et trop souvent compromis son crédit, les femmes de la haute prostitution, les fines fleurs de la galanterie mer-