Page:Du Camp - Paris, tome 3.djvu/49

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Roquette, à Clairvaux, à Toulon, à la Nouvelle-Calédonie. Tout le monde se connaît, se tutoie, se grise, se bat, et lorsqu’un sergent de ville passe, chacun affecte un air indifférent. C’est une honte pour le Paris moderne de renfermer encore de telles cours-des-miracles ; ne serait-il pas temps de les faire disparaître, et ne rendrait-on pas un grand service à la population en jetant bas les rues de Venise, des Filles-Dieu, Sainte-Marguerite-Saint-Antoine, la rue des Anglais et tant d’autres ?

Ce sont là des exceptions, il faut l’avouer ; aussi le monde des voleurs s’est-il porté en masse du côté des anciennes barrières, dans ces quartiers nouvellement annexés et qui semblent n’avoir encore avec l’ancien Paris qu’une attache exclusivement administrative. Là ils se réunissent dans des cabarets où ils sont certains, lorsqu’ils ne sont pas arrêtés, de pouvoir se rencontrer et se concerter pour les mauvais coups qu’ils méditent. C’est vers les barrières d’Italie, des Deux-Moulins, de Fontainebleau, du Mont-Parnasse, du Maine, de l’École-Militaire, que ces tapis-francs ouvrent leurs portes hospitalières à tous les bandits. Tel marchand de vin a ses relations établies, et de longue date, avec les braconniers, tel autre avec les casseurs de portes, tel autre avec les cambrioleurs. Il y a là échange de bons procédés, recel et indications au besoin. Il est rare que ces bouges n’aient pas plusieurs issues, car il faut toujours pouvoir s’en échapper à un moment donné ; aussi a-t-on multiplié les portes, et parfois on les a si bien dissimulées, qu’il faut quelque sagacité pour les découvrir. Souvent sur la muraille on lit une inscription comme celle-ci, que j’ai copiée textuellement : « Pour éviter les contestations, le client est prié s. v. p. de payer en servant. » La tasse de café, une sorte de jatte contenant la valeur d’un demi-litre, coûte quatre sous, est servie toute sucrée, sans petite cuiller, et s’appelle