Page:Du Camp - Paris, tome 4.djvu/12

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subsistance et parfois permet la débauche. Les mendiants qui pendant la journée nous ont fatigués et apitoyés de leurs doléances, le soir connaissent le chemin qui mène aux estaminets impurs de la rue Galande ou de la rue Sainte-Marguerite-Saint-Antoine ; tel homme arrêté parce qu’il poursuit les passants de son insistance agressive est trouvé porteur d’une somme équivalant à huit ou dix francs ; c’est là l’espèce la plus commune.

Il en est une autre qui se rencontre moins fréquemment, mais qui existe, et de temps à autre fait parler d’elle dans les journaux : c’est le mendiant avare qui thésaurise, se nourrit de rogatons et d’épluchures, amasse les liards et les sous au fond de sa paillasse, et meurt un beau jour sur un capital improductif dont la rente eût largement suffi à le faire vivre[1]. Il ne sera pas impossible, lorsque nous parlerons de l’indigence, de signaler des infortunes réellement imméritées et douloureuses ; mais, en étudiant la mendicité, on se heurte contre des faits de paresse, d’inconduite, contre des habitudes invétérées sur lesquelles viennent échouer la rigueur et la bienveillance, et l’on acquiert la conviction que les mendiants font tort aux pauvres.

Dans notre grande ville, la plaie de la mendicité était autrefois si particulièrement saignante et manifeste, qu’elle a frappé tous les yeux, qu’il n’est pas un historien qui n’en ait dit son mot, et que les documents

  1. J’extrais d’un rapport de police la note suivante : » B… (Élisabeth-Christine-Éléonore), âgée de 64 ans, née à Nancy, rentière, demeurant à Paris ; arrêtée le 29 novembre 1875, à trois heures de relevée recevant des aumônes qu’elle sollicitait, rue du Conservatoire ; fouillée au poste, est trouvée nantie de la somme de 59 672 fr. 75 c., espèces et titres ; amenée au Dépôt, fouillée plus complètement, on trouve sur elle trente et une obligations qu’elle avait pu soustraire à la perquisition des gardiens de la paix. » La somme totale que cette mendiante portait dans ses poches et dans la doublure de ses vêtements représentait plus de 70 000 francs.