Page:Du Camp - Paris, tome 4.djvu/13

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subsistants, — arrêts de parlement, ordonnances de prévôté, édits royaux, — permettraient d’en écrire une histoire complète, détaillée et même anecdotique. La mendicité était tellement entrée dans nos mœurs, qu’elle fonctionnait régulièrement, comme une sorte d’institution consentie ; le personnel s’en renouvelait perpétuellement par les soldats réformés ou mutilés qui n’avaient plus d’autre aide que le recours à la charité publique. C’était une corporation très-sérieuse, ayant ses coutumes, ses règlements, groupée autour d’un chef électif qu’elle reconnaissait, et qui bien souvent fut assez forte pour se maintenir intacte, redoutée au milieu de la ville, et pour repousser loin d’elle les attaques à main armée dont elle fut l’objet. Sauval nous a précieusement conservé le nom des catégories qui divisaient ce monde étrange en corps de métiers où l’on n’était reçu qu’après apprentissage, épreuves et surnumérariat.

Le chef suprême de ces bandes, qui n’étaient indisciplinées qu’en dehors de leurs repaires, s’appelait le Coësre, mot probablement rapporté des croisades par quelque association de pèlerins mendiants ou emprunté à la langue calo, parlée par les bohémiens, mais venant certainement du nom persan Kosrou, Kosrew, dont les Grecs ont fait Cosroës. Directement au-dessous de lui, grands officiers de cette couronne de méfaits, venaient les cagoux ou archisuppôts, professeurs d’argot, surveillant la rentrée de la taxe imposée à chaque membre de la confrérie au profit de son monarque, détenteurs des secrets du métier, et enseignant aux nouveaux venus la fabrication de l’onguent qui produisait des plaies hideuses quoique insensibles[1]. C’était là l’état-

  1. La base de cette pommade n’est plus un mystère ; elle se composait de l’echelioscopia, petite euphorbe, vulgairement appelée réveille-matin, et de l’éclaire (chelidonium majus), très-commune près des vieux murs, où les immondices semblent l’attirer et la retenir.