projet indéfiniment. Il vaut bien mieux laisser l’enfant dans la famille qui l’a accueilli tout petit, qui par lui a eu un gain minime, mais régulier, qui finit par le considérer comme un des siens, qui l’aime, l’adopte parfois légalement, le marie dans des conditions acceptables et même le rachète du service militaire. Ces faits sont moins rares qu’on ne serait tenté de le croire quand on connaît la rapacité du paysan français ; il ne se passe pas d’année que l’administration n’en ait à enregistrer de semblables, et ce n’est peut-être pas sans un certain orgueil qu’elle constate qu’agissant au nom de la société, elle a sauvé une créature humaine abandonnée par sa propre famille. Beaucoup se font soldats ; ainsi, sur 499 qui, au dernier tirage, étaient en âge d’être appelés, on a reconnu que 162 s’étaient engagés volontairement. Quelques-uns ont réussi dans la carrière qu’ils ont librement choisie à leur majorité, et il y a à Paris même des gens riches, honorables et honorés qui ont poussé leurs premiers cris dans les tristes couchettes de l’ancienne maison des oratoriens. Ceux-là ont profité de toutes les circonstances favorables pour s’accroître, pour se fortifier, et ils ont gardé au fond de leur cœur quelque pitié à l’égard de ceux qui souffrent ; les bureaux de bienfaisance s’en aperçoivent lorsqu’ils font leur quête annuelle.
Emmené à la campagne, élevé chez des agriculteurs ou chez des artisans, l’enfant est-il donc absolument perdu pour sa famille ? Non, car celle-ci a toujours le droit de le réclamer et de le reprendre. Quand l’abandon a eu pour cause une misère accidentelle et sérieuse, j’entends celle qui menace la vie, et non point cette misère d’apparat dont les indigents de Paris excellent à tirer de bonnes aubaines, l’enfant est presque toujours redemandé à l’administration, qui, à moins de raisons fort graves, ne le refuse jamais. Pendant