Page:Du Camp - Paris, tome 5.djvu/118

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scriptions préalables, et comme ils ne servent à l’obtention d’aucun diplôme, ils sont fort peu suivis par la jeunesse studieuse ; les auditeurs sont en général des oisifs, quelques femmes, quelques rares personnes ayant conservé le goût des choses de l’esprit ; on y a remarqué un fait déjà observé pour les bibliothèques publiques : quand il fait mauvais temps, l’auditoire est plus nombreux, car les passants sont venus se mettre à l’abri. Il faut retenir ce personnel mobile et chez qui la futilité domine ; on tâche alors de rendre la leçon « amusante », on multiplie les anecdotes, et ces cours, qui devraient toujours se tenir sur les hauteurs voisines de l’abstraction, finissent par devenir ce que les Anglais appellent des « lectures » et ressemblent à d’agréables causeries dont un seul interlocuteur tiendrait le dé[1].

Il n’y a pas à morigéner les professeurs, ni à les rappeler à la grandeur très-réelle de leur mission : ils savent à quoi s’en tenir à cet égard ; mais pour ne pas voir leur amphithéâtre absolument désert, ils ont été forcés d’abaisser successivement le degré de leur enseignement, afin de se mettre au niveau du public qui les écoute. L’étude des sciences mathématiques n’attire qu’un nombre d’étudiants bien restreint, car elle n’ouvre aucune voie aboutissant à une carrière certaine ; cela se comprend : tous les jeunes gens qui se sentent des apti-

  1. M. Michel Bréal, dans le livre que j’ai déjà cité, établit très-nettement que la médiocrité de l’auditoire force le professeur à baisser le niveau de ses leçons, et à l’appui de cette opinion, que l’expérience justifie tous les jours, il cite le passage suivant, emprunté à des Institutions d’instruction en France, par Cournot : « On a des cours de littérature ancienne où il faut sauver par toutes les grâces du langage, par toutes les finesses oratoires, la citation de quelques lignes, de quelques mots de latin ou de grec ; ou des cours de physique où rien n’est épargné pour l’effet agréable des expériences, mais où l’on n’oserait écrire, ni surtout discuter une formule trigonométrique : car on a affaire à un auditoire auquel il faut plaire et de qui l’on ne peut raisonnablement attendre une attention fatigante. » (Michel Bréal, Quelques mots, etc., p. 339, 340.)