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tres. La maison est parfaitement distribuée, sans luxe, mais avec un certain confortable de boiseries et de parquets ; de larges fenêtres ne ménagent point l’air à des êtres qui en ont d’autant plus besoin qu’ils sont privés de lumière. Les classes, les ateliers, les dortoirs, le réfectoire, sont bien aménagés. Tout a été fait pour les infirmes spéciaux qui vivent là et s’y plaisent.

La première pièce qu’il convient de visiter, c’est la bibliothèque, car elle renferme l’outillage ingénieux dont on arme l’aveugle, dont on lui enseigne à se servir avant de l’initier à l’instruction qu’il est apte à recevoir ; elle garde aussi, à titre de reliques, les premiers alphabets composés par Valentin Haüy, et à titre de documents historiques les éclats des obus que l’Institution, convertie en ambulance, a reçus le 12, le 20 et le 21 janvier 1871. Ces projectiles n’ont tué que des soldats déjà blessés, car les jeunes aveugles avaient été évacués sur Bordeaux avant que l’investissement de Paris fût complet. La bibliothèque même a été formée avec un fond de volumes donnés autrefois par François de Neufchâteau ; elle est pauvre, ne compte guère plus de 700 volumes et est surtout fournie de vieux bouquins dont il n’y a plus guère moyen de tirer parti. Là le système d’enseignement apparaît d’un coup : voilà des sphères et des cartes en relief pour la géographie, voilà un système planétaire composé de billes de différentes grosseurs se mouvant le long d’une ellipse en fer. Sur des étagères on aperçoit des animaux, — cheval, éléphant, girafe, — qui semblent appartenir à la faune de Lilliput. On avait imaginé d’enseigner l’histoire naturelle aux aveugles en estampant des figures très-saillantes sur des plaques de bronze, mais on n’avait pas réfléchi que l’œil seul peut faire comprendre la perspective et que le toucher est insuffisant pour s’en rendre compte ; il y a là une série de tablettes représentant des sarigues, des opos-