Page:Du Camp - Paris, tome 5.djvu/243

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d’homme on n’avait vu un pareil volume d’eau glisser dans le vieil édifice de Salomon de Brosse ; mais cette eau que les conduites normales ne peuvent amener jusqu’à Paris, que devient-elle ? Elle s’en va entre les bords polis du canal jusqu’à ce qu’elle trouve l’orifice d’un tuyau de fonte vertical, — un dauphin, — dans lequel elle s’engouffre avec des mugissements d’Encelade écrasé ; par cette route à pic, elle tombe dans la Bièvre, qui s’étonne d’être baignée d’une eau limpide à laquelle elle n’est point accoutumée.

Comme ces temples antiques sur lesquels les chrétiens ont bâti des églises, l’aqueduc d’Arcueil sert, en plus d’un endroit, de soubassement à une construction gigantesque qui, au point inférieur de la vallée, le dépasse de 18 mètres. L’heure n’est pas éloignée où toutes ces sources réunies à grand’peine entendront passer un fleuve au-dessus de leur tête : 100 millions de litres en vingt-quatre heures. L’aqueduc d’Arcueil soutient l’aqueduc de la Vanne. L’œuvre de l’architecte des Médicis porte l’œuvre de nos ingénieurs. Très-habilement ceux-ci ont profité du monument de Salomon de Brosse pour appuyer l’immense édifice qui guide à travers l’espace le canal aérien par où les sources de Champagne doivent venir jusqu’à nous. Cela fait un aqueduc à deux étages dont les piliers ont parfois été obligés d’aller chercher, au milieu de carrières exploitées, des fondations solides à 13 mètres de profondeur. D’une montagne à l’autre, un kilomètre d’arcades s’avance en demi cercle et franchit le val de la Bièvre comme une suite d’arcs de triomphe. Cela grandit singulièrement le paysage, qui est affreux, nu, troué d’excavations, et qui évoque d’insupportables souvenirs. Voilà le fort de Montrouge effondré par les bombes ; voici la maison des dominicains, qui ont été ce que la Commune appela des otages.