Page:Du Camp - Paris, tome 5.djvu/245

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pour laisser à celle-ci le nombre de secondes nécessaires à l’ascension, il reste un moment immobile ; puis, entraîné par son propre poids, qui est de 36 000 kilogrammes, il glisse verticalement en repoussant l’eau avec une telle puissance qu’il la chasse jusqu’aux grands réservoirs de Passy, situés entre l’avenue d’Eylau et l’avenue du Roi-de-Rome.

La machine travaille jour et nuit : lorsque je l’ai visitée, le procès-verbal indiquait que, pendant les dernières vingt-quatre heures, elle avait brûlé 11 700 kilogrammes de charbon, donné 11 248 coups de piston, et que sa « montée » avait été de 21 709 mètres cubes d’eau. En la voyant fonctionner, il est bien difficile de se défendre d’une comparaison saugrenue : son action est tellement identique à celle d’un instrument très-prosaïque, qu’on ne peut s’empêcher de penser que si, dans le pays des géants, on représentait les pièces de Molière, ce serait un excellent accessoire pour jouer Monsieur de Pourceaugnac.

Il n’est pas besoin de machines à vapeur pour aspirer l’Ourcq et la jeter dans nos réservoirs ; elle y vient naturellement dans le lit que Girard a creusé pour elle. C’est au bassin de la Villette, à côté des grands bateaux amarrés aux quais, que la prise s’effectue. L’eau, avant de pénétrer dans le canal particulier qui lui est réservé et la conduit au point où elle prend direction, est forcée de passer à travers des « grilles », sortes de tamis à mailles moyennes en fil de fer dont le cadre a précisément la dimension de la baie d’entrée ; de cette façon, elle est non pas filtrée, mais purgée des éléments les plus grossiers qu’elle charrie avec elle ; en temps ordinaire, les grilles sont changées trois fois par jour ; à voir les chiens crevés, les débris de légumes, les immondices de toutes sortes qui s’accumulent près du barrage, on trouve que la précaution n’est pas superflue ;