Page:Du Camp - Paris, tome 6.djvu/119

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être obéi, intervint et mit fin à toute dispute. L’empereur accepta un entrepreneur unique, privilégié, responsable, mais il lui imposa un cahier des charges qui l’obligeait à remettre aux représentants des cultes reconnus une part considérable, — plus de la moitié, de l’argent qu’il aurait à recevoir. L’affaire restait exceptionnellement fructueuse pour tous les ayants droit, et chacun eut le bon esprit de se montrer satisfait. Cette affaire tenait au cœur de Napoléon, car il y revint plus tard, et la régla minutieusement lui-même par le décret du 18 août 1811 : tous les services funèbres étaient divisés en six classes ; la première coûtait 4 282 francs, la sixième coûtait 16 francs[1].

L’organisation imaginée par Frochot, adoptée par Napoléon Ier, et qui n’était, sous une forme plus moderne et surtout plus démocratique, qu’un retour à la vieille institution des crieurs-jurés, subsiste encore. Tavernier raconte naïvement dans ses voyages qu’ayant été obligé de faire enterrer son frère, mort aux Indes, il s’était promis de bien soigner sa santé, parce que cela coûtait fort cher d’être inhumé dans ces pays-là. Que dirait-il donc aujourd’hui à Paris ? L’entreprise des pompes funèbres a tous les inconvénients des monopoles, mais elle compense ceux-ci par des avantages sérieux, où la ville, les cultes et les gens pauvres trouvent leur bénéfice.

À y bien regarder, le service funèbre, constitué tel qu’il l’est aujourd’hui, est un impôt somptuaire très-onéreux, mais levé seulement sur ceux qui s’y soumet-

  1. Ce décret est inséré au Bulletin des lois sous le n° 386, ive série : L. J’ai eu entre les mains l’exemplaire qui avait appartenu à l’abbé Grégoire ; sur la marge celui-ci avait écrit : « Scandale de divisions en classes pour des êtres qui devant Dieu arrivent seulement avec leurs bonnes et leurs mauvaises actions. » Certes il ne devinait pas alors que le corbillard qui porterait sa dépouille serait dételé et traîné à bras jusqu’au cimetière Montparnasse.