Page:Du Camp - Paris, tome 6.djvu/123

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teurs et indique avec précision, pendant le service religieux, à quelle minute il faut se lever, s’agenouiller ou s’asseoir ; mais l’homme important, c’est l’ordonnateur, agent direct de la préfecture de la Seine, employé de l’état civil et représentant personnel du maire de l’arrondissement que le défunt habitait. Il figure la municipalité prenant le corps d’un de ses administrés à la maison mortuaire, l’accompagnant à l’église, veillant à ce qu’on lui fasse place à travers nos rues encombrées, l’introduisant au cimetière et ne le quittant qu’après avoir vu tomber sur lui la dernière pelletée jetée par le fossoyeur. Il est reconnaissable à la cocarde tricolore maintenue par la ganse de son tricorne et à la canne à pomme d’ivoire qu’il lui suffit de lever, sans avoir besoin d’invoquer l’ordonnance de police du 10 février 1848, pour arrêter toute voiture qui, dans le trajet de la maison au cimetière, pourrait couper et interrompre le convoi. Il est l’autorité et le contrôle ; c’est lui qui s’assure que toutes les prescriptions émanées de l’entreprise des pompes funèbres ont reçu exécution, qui interdit, — œuvre difficile, — aux porteurs, aux plombiers, aux tapissiers, de demander des pourboires ; qui recommande la bonne tenue aux divers agents de ces tristes choses et donne à tous l’exemple du respect dû à la douleur. Il a vécu trop mêlé au personnel qui fait le service des inhumations pour ne pas savoir que, là aussi, comme dans tous les corps d’état, il y a un jargon particulier légué par les corporations du passé et auquel il ne faut point attacher d’importance ; il connaît les termes en usage, mais il les regarde comme indignes de lui et ne les emploie jamais.

Les porteurs ne se gênent guère entre eux, malgré les mines piteuses qu’ils prennent volontiers lorsqu’ils se sentent sous les yeux des assistants. Très-susceptibles pour eux-mêmes, ils le sont moins pour les autres.