Page:Du Camp - Paris, tome 6.djvu/136

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contre les piliers des arcades, d’exhausser de telle sorte qu’il fallait descendre pour entrer dans l’église, où l’on pénétrait jadis de plain-pied, elle était gorgée et vomissait sa putréfaction. Au mois de juin 1780, un habitant de la rue de la Lingerie, ouvrant sa cave, fut repoussé par une odeur tellement insupportable qu’il se sauva et alla chercher ses voisins. On revint en nombre, on s’enhardit, on se mit sous le nez des mouchoirs imbibés de vinaigre, et l’on se trouva en présence d’un spectacle horrible. La terre, gonflée par des pluies récentes, avait fait ce que l’on nomme une poussée contre les murs mitoyens ; elle y avait ouvert une large brèche par où s’était effondré un éboulement de cadavres. La police essaya de tenir l’aventure cachée ; il fut interdit aux journaux d’en parler ; mais garder un secret dans le quartier des Halles n’est point chose facile, et tout Paris sut bientôt à quoi s’en tenir sur l’état de son cimetière favori. Ce fut un cri qu’il fallut bien entendre cette fois ; l’autorité civile se montra très-ferme et adopta une décision péremptoire ; elle y mit cependant le temps de la réflexion, car cet enclos consacré à la peste, comme disait Voltaire, ne fut définitivement fermé et pour toujours que le 1er décembre 1780[1].

Ce n’était pas tout de l’avoir interdit, il fallait le supprimer, et ce fut seulement au commencement de 1786 que l’archevêque accorda son autorisation. On ne l’avait pas attendue ; de Crosne, récemment nommé lieutenant général de police, avait voulu payer sa bienvenue au peuple de Paris en lui donnant un marché aux légumes, qui manquait, et, avec un discernement où l’on peut trouver quelque habileté politique, il avait choisi l’emplacement du cimetière des Innocents. Mais il fallait l’approprier à sa nouvelle destination, abattre

  1. Il convient d’ajouter que le cimetière était entouré d’un ruisseau profond où les riverains jetaient leurs immondices.