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d’avoir un jarret de chamois, on reculait devant cette escalade. Aux jours de gala, on y établissait un buffet, où les danseurs pouvaient aller boire ; on y faisait passer des examens aux aspirantes institutrices, on y réunissait des commissions, on y rangeait les meubles dont on n’avait pas encore préparé la place ; en un mot, c’était une salle banale consacrée à toutes sortes d’usages, mais ce n’était point une bibliothèque. Beaucoup de volumes étaient dépareillés et nul lecteur n’y venait travailler. C’était un double malheur, qu’elle devait à sa position même et qui atteindra invariablement toute bibliothèque placée dans le local d’une administration. L’administration est naturellement envahissante : l’homme, — l’employé, — est toujours personnage principal et est exigeant : il repousse les livres d’étage en étage et les jette au grenier, où ils périssent infailliblement. Les combles, pénétrés d’humidité ou brûlants sous le soleil direct, sont mortels pour les livres et les manuscrits. Il a fallu à M, Labat, archiviste de la Préfecture de police, une vigilance et une passion extraordinaires pour empêcher ses archives de pourrir dans les mansardes où on les avait reléguées jadis ; ce que l’on a sauvé de l’incendie a été établi dans des conditions analogues, fort périlleuses et de nature à compromettre les épaves de cet inappréciable dépôt.

Repoussés vers les combles, les livres s’y détériorent. En outre, la place manque toujours dans une administration ; on utilise la bibliothèque, et, selon les occurrences, on la réduit à l’état de magasin ou de garde-manger. Ce n’est pas tout : les employés empruntent des livres ; la camaraderie ne peut les leur refuser, pas plus qu’elle n’ose les leur réclamer ; les volumes disparaissent, des ouvrages sont décomplétés et des collections perdent toute valeur. C’est là ce qui était arrivé à l’ancienne bibliothèque de la Préfecture de la Seine ;