Page:Du Camp - Paris, tome 6.djvu/219

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heure après ; il y a des nécessités matérielles qui sont inéluctables et qui empêchent de revenir sur une appréciation formulée. Les journaux les plus sérieux, les mieux informés, écrits par des gens d’un talent réel, n’échappent pas à cette fatalité qui pèse sur tout ce qui est fait trop vite.

En dehors des erreurs involontaires échappées à des écrivains qui n’ont pas le temps de se relire, il y a celles qui sont commises par les typographes surmenés, harassés, qui composent un fragment dont ils ignorent le commencement et la fin ; car, pour gagner quelques minutes, on coupe en dix morceaux un article de cent lignes et on le distribue à dix ouvriers. La correction des épreuves est forcément négligée ; aussi il n’est pas surprenant que dans un article sur les kangourous, au lieu de lire : « c’est un animal qui va par sauts et par bonds, » on lise : « c’est un animal qui va par Sceaux et par Bondy. » Toutes les fautes que l’on peut découvrir dans un journal quotidien doivent-elles donc être attribuées à la rapidité du travail des écrivains et des typographes ? Non certes ; il y a des journalistes qui écrivent sans sourciller des âneries inexplicables ; de plus d’un l’on pourrait dire : Il n’apprit jamais rien, écrivit sur tout, se trompa toujours et ne s’en aperçut jamais[1].

La presse suit invariablement les mouvements de l’esprit public ; elle s’excite, s’affaisse, s’endort et s’exaspère avec lui. Elle est parfois d’une violence extraordinaire et franchit toute mesure : en cela elle est faite

  1. Il est impossible de lire la chronique quotidienne de certains de nos reporters sans se rappeler ce que Plaute dit dans le Trinummus, des nouvellistes de son temps :

    Quod quisque in anime habet aut habiturus est, sciunt ;
    Sciunt id quod in aurem rex reginæ dixeri ;
    Sciunt id quod Juno fabulata est cum Jove ;
    Quæ neque futura neque facta, illi tamen sciunt.