Page:Du Camp - Paris, tome 6.djvu/226

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sans jamais laisser les discussions sortir de ce ton de bonne compagnie dont il donnait naturellement l’exemple ; on peut feuilleter la collection de son journal, on n’y pourra découvrir un mot injurieux, une allusion pénible, une anecdote douteuse. Si les hommes qui mènent les journaux étaient comme lui, toute loi sur la presse serait superflue. Dans ce portrait à peine esquissé, nul n’hésitera à reconnaître Édouard Berlin, qui, pendant de trop courtes années, fut l’âme du Journal des Débats.

La vieille Gazette de France, que créa Renaudot, et qui fut le premier journal français, au sens précis du mot, est la féconde aïeule de toutes ces feuilles qui voltigent le soir autour des kiosques de nos boulevards. Ce fut, en réalité, la Révolution qui inventa le journalisme. En 1788, Paris peut se procurer trente-huit journaux, dont huit viennent de l’étranger[1], et dès 1790 il en compte trois cent cinquante ; en 1800, les choses ont bien changé : le premier consul, on le sait, n’écoute pas volontiers les conseils des idéologues, et treize journaux subsistent ; c’est encore trop : l’Empire est moins tolérant que le Consulat, et en 1811 il n’en reste plus que quatre.

Sous la Restauration, le nombre augmente : cent cinquante, dont huit politiques ; en 1827, seize politiques et cent seize littéraires ; pendant la première période de la royauté de Juillet, la presse quotidienne se développe : trois cent quarante-sept journaux paraissent à Paris au moment où les lois de septembre, motivées par l’attentat de Fieschi, les mettent en quelque sorte à la discrétion du pouvoir. Aussitôt que la révolution de Février a éclaté, les feuilles quotidiennes s’échappent de

  1. Les principaux cabinets de lecture étaient quai des Grands-Augustins, chez les concierges des Tuileries et du Palais-Royal. — Voir Pièces justificatives, 7.