Page:Du Camp - Paris, tome 6.djvu/242

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dont sont frappés les combustibles et les matières premières ne l’ont point effrayée ; elle a une importance extrême dans l’existence urbaine ; sur une population totale de 1 851 792 individus elle en fait vivre 816 040, qui se divisent presque également selon les sexes, car on y compte 404 408 hommes et 411 632 femmes[1].

C’est là une réponse indirecte aux moralistes qui prétendent que l’impossibilité de trouver du travail dans les cités populeuses pousse les femmes vers le désordre. Ces gros chiffres ne s’appliquent pas exclusivement à la grande industrie qui fabrique les tissus, forge le fer, modifie les matières premières ou élève des constructions ; celle-là n’apporte le pain quotidien qu’à 293 691 individus ; c’est la petite industrie, celle où Paris excelle, qui est la mère nourricière : 522 349 personnes lui doivent la subsistance.

L’industrie a enlevé le paysan à la glèbe et l’a émancipé bien plus que la Révolution : elle l’attire à Paris, et lui offre les mille métiers dont on peut vivre sans trop de peine ; une ville semblable a des besoins si multiples, si étranges parfois, qu’elle n’a jamais assez de serviteurs pour répondre à toutes ses fantaisies. La quantité des exigences a créé la quantité des ouvriers, et celle-ci a divisé le travail à l’infini ; un simple couteau, pour être parfait, nécessite la coopération de neuf corps d’état différents[2]. En province, dans les petites villes, les ouvriers sont forcés de faire toute sorte de métiers ; l’horloger est lampiste, mécanicien et, au besoin, armurier ; ici, c’est le contraire, chacun se

  1. Vivre d’une industrie, ce n’est pas l’exercer. Un patron dirige une industrie, il emploie vingt ouvriers qui y concourent, il nourrit sa femme, ses trois enfants et son père. Une seule personne exerce réellement l’industrie et vingt-six en vivent.
  2. Pour la lame : le forgeron-lamier, le limeur, le trempeur, rémouleur, le polisseur ; pour le manche : le débiteur, le façonneur, le vireleur, et enfin le monteur.