Page:Du Camp - Paris, tome 6.djvu/317

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justice ; les financiers d’autrefois n’étaient pas plus scrupuleux, et comme, en qualité d’adjudicataires des fermes, ils étaient souvent chargés de faire rentrer l’impôt, ils avaient en main des instruments de cruauté que l’on chercherait vainement aujourd’hui ; il y eut plus de faux-sauniers et de contrebandiers que d’assassins enchaînés sur le banc des galères que commandait Vivonne, frère de madame de Montespan. Je sais que maintenant il n’est faiseur d’affaires si taré qui ne trouve un prince pour sa fille, lorsqu’il a soin de mettre un million dans la corbeille du mariage ; les gens du monde s’indignent alors et se voilent la face avec une pudeur où il y a le regret d’une bonne aubaine manquée ; ils disent : On n’a vu ces choses-là que de notre temps. Doit-on rappeler la sanglante épigramme qui frappa Mirepoix, Lamoignon, Molé, lorsqu’ils épousèrent les filles de Samuel Bernard et devinrent « receleurs du bien qu’il a volé » ? Faut-il citer la phrase altière dont La Bruyère a flagellé les grands de son époque : « Si le financier manque son coup, les courtisans diront de lui : C’est un bourgeois, un homme de rien, un malotru ; s’il réussit, ils lui demandent sa fille. »

De nos jours du moins, et sans essayer de pallier ce que l’agiotage peut avoir de coupable, si l’on interroge ces maisons de crédit dont la rapide fortune a été souvent un objet de surprise et d’envie, si on leur demande quelle est leur raison d’être, elles peuvent montrer pour excuse les chemins de fer qui sillonnent le pays, les canaux qui joignent les fleuves, des ports où s’abritent des flottes qui vont sur tous les points du globe, des villes assainies et toutes les industries à l’œuvre. Qu’auraient répondu les hommes de finance dont Turcaret fut le type jusqu’à la Révolution ? Le plus hardi, le plus intelligent de tous, Law, n’aurait eu à montrer