spéculation et de lucre domine, « c’en est fait de toute gentillesse », ainsi que disait Montaigne.
L’Empire ne créa point cet état de choses, mais il l’accepta et crut y trouver son profit. Depuis longtemps, le branle était donné aux affaires industrielles et aujourd’hui — en république — ces efforts ne se sont point ralentis, tant s’en faut. La découverte et l’exploitation des mines aurifères de la Californie et de l’Australie ont versé sur le monde une quantité de métal pour lequel on a dû chercher un emploi : parallèlement à cette richesse, qui venait centupler les ressources des hommes d’invention, l’application méthodique de la science à l’industrie se substituait à l’empirisme et apportait aux moyens de production une force jusqu’alors ignorée. Dès la fin de la Restauration, le mouvement se dessine ; il s’accentue sous le règne de Louis-Philippe, s’arrête un instant pendant la Seconde République et profite de la sécurité générale, de la stagnation de la politique militante, après le coup d’État, pour atteindre une activité qui, depuis, n’a fait que s’accroître. C’est au début du Second Empire que s’établissent ces sociétés financières qui pullulent à cette heure et dont la seule raison d’être est la spéculation.
Un banquier connu de l’époque, employant comme agent C…, petit spéculateur, « boursicotier » grappillant autour du perron de la Bourse, près de ses pièces, lançait une nouvelle affaire ; il ne manquait plus que l’autorisation et la signature de Persigny, alors ministre de l’Intérieur. C… fut envoyé par le banquier pour recueillir la signature attendue, et, en même temps, il fut chargé de remettre à Persigny cinq cents actions libérées.
Persigny était un hurluberlu, mais c’était un honnête homme ; parmi ceux qui ont traversé le pouvoir sous le Second Empire, il est peut-être le seul, avec Édouard Thouvenel, ministre des Affaires étrangères, auquel il serait impossible de reprocher un tripotage d’argent. Il écouta l’émissaire, signa l’ordonnance qui constituait la société, puis, saisissant le paquet de cinq cents actions qu’on lui remettait, il en retira quarante et dit : « J’ai vingt mille francs d’économies ; je ne puis donc prendre que quarante actions ; votre patron m’a cru plus riche que je ne le suis » ; et il restitua les quatre cent soixante actions qu’il refusait d’accepter. C… revint rendre compte de sa mission au banquier, qui sourit de la naïveté du ministre et réclama les