Page:Du Camp - Souvenirs d’un demi-siècle, tome 1.djvu/145

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aux lettres, j’ai regardé de plus près, et j’ai reconnu que les agents subalternes dépassaient la mesure que le maître avait déterminée. Lorsque l’on pouvait parvenir jusqu’à lui, on n’en appelait jamais en vain à son bon vouloir, j’ai presque envie de dire à son intelligence.

Sous son règne, la censure dramatique fut sans indulgence ; on voyait des allusions partout ; on s’effarouchait d’un mot ; le respect de la moralité, de la religion, du bon goût même a des frontières si mal définies que, malgré leur réserve, les pauvres auteurs mettaient souvent le pied sur le terrain défendu ; la censure prenait alors sa grosse voix et, « pour éviter un scandale », interdisait la représentation des pièces. Lorsque l’Empereur recevait des plaintes à cet égard, il se faisait apporter le manuscrit incriminé, le lisait, disait en parlant des employés de la censure : « Ils sont vraiment trop bêtes ! » et levait l’interdit. C’est ainsi que les théâtres purent jouer La Dame aux Camélias, d’Alexandre Dumas fils, Les Effrontés, d’Émile Augier, Le Lion amoureux, de Ponsard, et Faustine, de Louis Bouilhet. Dans ces cas-là, le comte de Morny intervenait presque toujours et provoquait les décisions libérales du souverain.