ressources d’intelligence ; il est susceptible de dévouement ; il ne coûtera pas cher et on en peut tirer bon parti. Gambetta ne m’inspire point de confiance ; comme les hommes du Midi, il est capable de « s’emballer » malgré lui, de se griser à son propre « ronron » et d’attaquer la cause qu’il se sera engagé à défendre ; son tempérament le domine ; il montera à la tribune pour crier : « Vive l’Empereur ! » et criera : « Vive la République ! » L’Empereur n’a pris encore aucune résolution ; mais je crois qu’il se décidera pour Duvernois. »
Que de fois, depuis le 4 septembre, depuis la délégation de Tours, depuis nos désastres, depuis la Commune, depuis nos misères, que de fois je me suis rappelé cette conversation. L’Empereur suivit le conseil du prince Napoléon, négligea l’avocat et choisit le journaliste ; ce qui permit à Gambetta d’être dictateur ; sans cela, il n’aurait peut-être été que ministre des Travaux publics, comme Clément Duvernois.
Clément Duvernois, Léon Gambetta ? passe encore ! Il y avait en chacun d’eux l’étoffe, non pas d’un homme d’État, mais d’un homme politique, et le gouvernement impérial aurait pu recevoir d’eux une impulsion nouvelle qui, pendant quelque temps du moins, l’eût un peu vivifié ; mais on ne s’en tint pas là, et je puis faire connaître une étrange négociation, dont le résultat fut négatif. Jules Simon se présentait dans la circonscription du faubourg Saint-Antoine ; parmi ses concurrents, il en est un qui fit sourire ; c’est Jules Vallès, qui s’intitulait : candidat de la misère, et qui rédigeait alors, presque seul, un journal passablement crapuleux que l’on appelait La Rue.
Sait-on encore ce que fut Jules Vallès ? C’était un ancien pion, devenu bohème de lettres. D’imagination nulle, d’un talent assez âpre et parfois brutal, il avait fait du petit journalisme sans y réussir ; désireux de bien-être, mécontent, aigri, exaspéré, se croyant de force à régenter les hommes et à gouverner le monde, acclamé dans certains estaminets, célèbre au milieu d’un groupe de vingt-cinq impuissants, ignoré des gens politiques, inconnu à tout le monde, il rêvait l’effondrement d’une société où il n’avait pu faire sa place.
On s’imagina que Jules Vallès pouvait servir à quelque chose, et l’on s’aboucha avec lui. Détruire Jules Simon, qui était un adversaire dangereux, car il était très écouté, lui substituer dans l’élection un énergumène que l’on aurait facilement muselé, cela parut un coup de maître, et on le