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Page:Du Camp - Souvenirs d’un demi-siècle, tome 2.djvu/180

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division, commandant en chef, fut l’âme et la gloire de la guerre en province. Par ce qu’il a fait avec des troupes à peine équipées et sans instruction, on peut deviner ce que son audace, sa prudence et son habileté eussent pu faire à la tête d’une armée véritable, comme celle qui était acculée devant Metz.

Lorsque les troupes furent rassemblées en nombre qui parut suffisant et que l’on crut que le moment était venu de commencer les opérations, on s’aperçut qu’il manquait un « outil » indispensable, sans lequel la machine militaire risquait de ne faire que des mouvements incohérents. Quoi donc ? Peu de chose, en vérité : les cartes topographiques. Nulle part on n’en pouvait découvrir, et personne ne savait que les cuivres étaient à bord d’un navire en rade de Cherbourg ; le général Martin des Pallières, commandant la première division du quinzième corps d’armée, en était réduit à se servir d’un guide Joanne, acheté chez un libraire de Tours.

Paul Dhormoys, un journaliste, aidé de son beau-frère nommé Jusselain, eut une idée lumineuse qui n’était venue à aucun des membres de la délégation, dont le désespoir cependant était sincère, en présence de cette pénurie des instruments de première nécessité. Il put se procurer un atlas départemental de la France destiné aux écoles de l’enseignement primaire. Les cartes n’en étaient point parfaites, mais, à la rigueur, on pouvait s’en servir et elles étaient suffisamment lisibles. Il offrit de les faire multiplier par la photographie ; rien n’était plus facile ; mais à toutes ses propositions on répondait que l’on n’avait point de fonds disponibles pour cette dépense qui n’était pas ordonnancée. Il fallut aller jusqu’à Freycinet, qui, comprenant l’importance du projet, donna immédiatement ordre de se mettre au travail. Et voilà comment il se fait que, grâce à deux hommes intelligents, étrangers à toute administration, nos officiers furent pourvus de cartes photographiées et ne marchèrent point à l’aveuglette au cœur même de la France.

Si l’on rassemblait des hommes pour la bataille, on ne paraissait pas se préoccuper beaucoup d’en réunir afin de constituer une autorité légale ayant pouvoir de négocier avec l’ennemi. Et cette Constituante que l’on devait convoquer ; et ces élections si souvent annoncées, à date fixe, que l’on reculait toujours ; et ces représentants que l’on avait