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douât de toutes les vertus et de toutes les aptitudes. Or Bazaine avait capitulé le 27 octobre ; capitulé pour la ville qui n’avait pas reçu un projectile ennemi, capitulé pour son armée en rase campagne, ce qui est un crime puni de mort par le code militaire.

Sans combats sérieux depuis celui de Woippy (8 octobre), il rendait trois maréchaux, plus de 6 000 officiers, 173 000 soldats, dont 20 000 blessés ou malades, 53 drapeaux, 541 pièces de campagne, le matériel de 85 batteries, 800 canons de place, 66 mitrailleuses et plus de 300 000 fusils. Metz la pucelle n’était plus à nous. Cette chute d’une telle ville forte et d’une armée si considérable devait accélérer la conclusion de l’armistice ; la logique révolutionnaire raisonna autrement que la logique des faits, et ce fut précisément ce nouveau désastre qui nous empêcha d’échapper à ceux dont nous étions encore menacés. On ne fit du reste que se conformer à la tradition et surtout à l’exemple qui récemment avait été donné. À la capitulation de Sedan, l’on avait répondu par une révolution, par le renversement de l’Empire et par l’inauguration du Gouvernement de la Défense nationale ; il parut donc naturel à quelques énergumènes de répondre à la capitulation de Metz par une révolution nouvelle, par le renversement du Gouvernement de la Défense nationale et par la proclamation de la Commune.

Dès le 30 octobre, on avait fait courir à Paris le bruit de la reddition de Metz, immédiatement et vivement démenti par Jules Favre. Pendant une suspension d’armes de quelques heures, aux environs de Romainville, pour ramasser les morts et enlever les blessés, un certain Dardenne de la Grangerie, chef de l’ambulance de la Presse, causant avec un ambulancier allemand, en apprit la capitulation de Bazaine. Rentré presque immédiatement à Paris, Dardenne prévint Rochefort ; celui-ci courut le dire à Flourens, lequel en donna avis à Félix Pyat, qui fit une édition supplémentaire du Combat, dont il était le rédacteur en chef, pour annoncer la nouvelle au bon peuple, que cela ne parut pas émouvoir outre mesure. Mais l’occasion d’une sottise qui prenait le caractère d’une trahison devant l’ennemi parut bonne à Blanqui, à Gustave Flourens, à Ranvier et à toute cette séquelle d’inconnus, de malandrins, d’ivrognes et d’incendiaires dont l’avènement devait, quelques mois plus