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À partir de la rupture des négociations de Versailles, lorsque la France croit encore généreusement qu’elle finira par vaincre et que l’Allemagne comprend qu’elle n’aura la paix qu’en écrasant son adversaire, la guerre devient implacable. C’est presque une période nouvelle ; c’est comme un duel au couteau ; la France rassemble toutes ses recrues. L’Allemagne, craignant que les 200 000 hommes que la capitulation de Metz a rendus libres ne lui soient pas un renfort suffisant, appelle ses réserves. Elle s’ouvrit bien pour nous, cette troisième phase de la guerre, par une victoire, la seule dont nous puissions nous glorifier sans forfanterie.

Le 9 novembre, le général d’Aurelle de Paladines attaqua les Bavarois de von der Tann devant Orléans ; la lutte fut très dure ; elle continua pendant la journée du 10, sans interruption ; l’avantage nous resta ; Orléans fut repris. C’est la bataille de Coulmiers, où nos soldats, nos conscrits, nos mobiles eurent de l’élan et de la fermeté. Ce n’était point un mince succès, car Orléans en notre pouvoir, c’était la route de Paris ouverte, et si un mouvement d’ensemble avait été combiné entre les meneurs de la guerre, ça pouvait être la délivrance de la ville assiégée. Un ordre mal compris ou mal exécuté par le général Reyau, qui commandait la cavalerie, empêcha la victoire d’être aussi complète qu’elle aurait dû l’être ; néanmoins, elle fut décisive sur le point disputé, puisque l’ennemi fut contraint de battre en retraite.

Par suite de quel hasard, de quel malentendu le résultat fut-il stérile ? On réédita la faute que Bazaine avait commise le 16 août, lorsque, ayant écrasé l’armée du prince Frédéric-Charles, il ne profita pas du chemin qu’il venait de rendre libre pour marcher sur Verdun et rentra sous Metz, où il devait périr. De même, d’Aurelle de Paladines ne sortit pas d’Orléans, qu’un mois plus tard il devait être réduit à évacuer. Pendant les deux journées qui suivirent la bataille de Coulmiers, la route, débarrassée de tout obstacle, conviait à pousser une pointe énergique sur Paris ; on resta immobile et deux jours furent perdus que jamais l’on n’a retrouvés. Lorsque l’occasion s’offre, à la guerre, et qu’on ne la saisit pas, elle s’envole et ne reparaît plus.

Sur qui retombe cette faute capitale, dont les conséquences furent de laisser intact l’investissement de Paris et de décourager les efforts de la province ? Il est difficile de répondre ; chacun a secoué la responsabilité qui lui paraissait