Page:Du Camp - Souvenirs d’un demi-siècle, tome 2.djvu/279

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

serait une sorte d’élection nouvelle, un contrat appuyé sur des bases que chacun aurait la prétention de fixer à sa manière, une promesse d’oubli de part et d’autre. L’Empereur, revenant à la suite d’un vote plébiscitaire, est lié d’avance. Ce n’est plus un souverain qui rentre dans une possession légitimée par délégation de la souveraineté populaire ; c’est un chef d’État désigné par le suffrage universel ; il n’a plus d’histoire ; il ne continue pas ; il commence. Le justicier disparaît ; il n’y a plus qu’un père de famille qui est forcé de pardonner, parce qu’il ne peut pas punir. Tout ce qui s’est passé tombe dans le néant, et l’on part étourdiment pour la terre promise avec le reliquat de la Commune, du 4 Septembre, des facéties gambettistes, des assassinats de Lyon, des massacres et de l’incendie ; dans ce cas, l’Empereur manque à la mission que la France lui réserve, celle qui consisterait à la débarrasser, une bonne fois, de toutes ces scories politiques et sociales qui, semblables à un corps étranger introduit dans les muscles, produisent des abcès dans toute société où on leur permet de subsister. Quels ont été les chefs de bandes du 4 septembre, du 31 octobre, du 18 mars, du 22 mai ? tous les graciés de la déportation. »

Reste un moyen que l’on préconise et qui seul peut donner un bon résultat : c’est un mouvement militaire, dirigé par un des généraux populaires de l’armée. Pour plusieurs raisons, dont les unes sont très honorables et les autres fort médiocres, Mac-Mahon doit être laissé de côté. On recommande de se méfier du gouverneur de Paris, qui était alors, si je ne me trompe, le général Ladmirault[1]. Après avoir analysé et rejeté certaines hypothèses, l’auteur de la note continue ainsi : « Je ne vois guère que Lyon ou Lille qui soient assez près de la frontière pour que l’Empereur puisse s’y jeter avec des chances presque favorables. J’ignore qui commande à Lille, où, du reste, il n’existe point un corps d’armée suffisant pour imprimer, par sa seule mise en marche, un caractère entraînant à l’expédition. Lyon a bien des avantages, car une simple promenade militaire peut aller recevoir l’Empereur à la frontière. L’homme qui y commande se rappellera-t-il qu’il doit sa haute situation à l’Empereur ; se souviendra-t-il, au contraire, qu’il a été élevé aux frais

  1. Le général Ladmirault fut, en effet, gouverneur de Paris de 1871 à 1876. (N. d. É.)