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Page:Du Camp - Souvenirs d’un demi-siècle, tome 2.djvu/328

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— guère plus — de formuler des vœux sur lesquels le Corps législatif, siégeant à Paris, capitale de la France, qui est hydrocéphale, aurait prononcé en dernier ressort. Sous ces combinaisons spécieuses se cachait peut-être la volonté de fonder une sorte de puissance provinciale qui, à un moment donné, eût pu servir de point d’appui et de résistance contre les mouvements révolutionnaires de Paris, que les départements ont toujours subis, quoiqu’ils les aient souvent détestés.

Il ne m’a point fait de confidences ; on n’en fait qu’à ses amis et je n’étais qu’un étranger traité avec affabilité, écoutant et ne discutant que dans la limite qui prouvait l’intérêt et la déférence. Il n’eût pas été le fils de son père s’il n’eût conspiré ; il conspirait. Il ne me l’a pas dit, mais je l’ai su d’une façon positive. Il entretenait une correspondance plus ou moins mystérieuse avec quelques généraux restés fidèles au souvenir de Napoléon III ; c’était de sa part, en quelque sorte, un acte de courtoisie envers d’anciens serviteurs qu’il estimait, sans avoir une confiance sérieuse dans leur énergie, au cas où il aurait tenté un coup de main. Il avait meilleur espoir dans les nombreux jeunes officiers avec lesquels il était en relations secrètes, à l’insu de sa mère, vis-à-vis de laquelle il observait une réserve qui était bien près d’être de la défiance.

Jamais les lettres qu’il échangeait avec des capitaines, des lieutenants et même des élèves de l’École de Saint-Cyr ne passaient par la poste. On avait organisé un système de messages, et de messages fort ingénieux, très simple, qui m’a été expliqué et que je ne révélerai pas, afin de ne pas nuire aux conspirateurs de l’avenir. Il croyait, s’il voulait courir une aventure analogue à celles de Strasbourg et de Boulogne, être certain de rencontrer dans le corps d’officiers de bien des régiments une sympathie qui se changerait promptement en concours actif. Le personnage qui m’a raconté cela et qui fut un de ses rares confidents m’a dit avoir eu entre les mains les preuves de ce qu’il avançait. La sympathie, j’y crois, de même que je crois au concours empressé, si l’expédition eût réussi.

Il n’était pas heureux ; il n’avait pas à le dire, cela se voyait. Parfois, dans ses yeux bleus, interrogateurs et doux, passait une expression si triste qu’elle en était navrante ; comme si elle eût reflété un souvenir des grandes défaites, ou