Page:Du Camp - Souvenirs d’un demi-siècle, tome 2.djvu/41

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

assises se tenaient à l’ancien Club des Jacobins finit par en être pénétré. Là, on se sentit découragé ; Jules Simon, de sa voix douce et caressante, disait : « Il n’y a rien à faire ; s’il est victorieux, nous sommes bâtés pour plus de cinquante ans. » Dans d’autres régions, on était moins confiant, et Jules Brame, dont le patriotisme éclairé ne fut pas une seule fois en défaut, se désespérait du but indiqué à Mac-Mahon et ne se gênait point pour dire qu’il fallait traiter, en tâchant de se tirer de là les bagues sauves, s’il était possible. Il voulut, poussé par sa franchise habituelle, s’en expliquer avec le gouverneur de Paris et il alla le voir ; l’entrevue est du mercredi 24 août. Brame insista pour qu’à tout prix Mac-Mahon fût rappelé, car il savait que le Prince royal s’avançait à grandes marches sur Paris.

Trochu répondit qu’il avait d’autres nouvelles et que le Prince royal, abandonnant son premier projet, avait rebroussé chemin et se dirigeait vers le Nord. Du reste, on n’avait rien à craindre, puisque les forts couvrant Paris du côté de l’Est étaient occupés et seraient défendus par les marins de la flotte, sous le commandement des amiraux. Il eût voulu, — il le répéta plusieurs fois, — lui aussi, assurer à la capitale le concours de l’armée de Mac-Mahon, mais le ministre de la Guerre en avait décidé autrement ; il fallait donc tirer parti de la situation, telle qu’elle était ; et, en réalité, cette situation n’était point mauvaise. Si notre armée était battue, elle se retirerait à Paris, dont la route était ouverte ; si elle était victorieuse, elle pousserait vigoureusement sa pointe en avant ; si elle n’obtenait qu’un demi-succès, on en profiterait pour obtenir ou imposer un armistice qui ne serait que le préliminaire de la paix.

Brame riposta : « Pourquoi ne pas tenter d’ouvrir des négociations dès aujourd’hui ? » Trochu répondit : « Ce serait escompter les bonnes chances de notre avenir ; la guerre se terminera sous Paris et nous ferons en sorte qu’elle se termine bien. » Brame n’était point le seul à désespérer. Le même jour, pendant la séance du Corps législatif, un député nommé de Bussières s’approcha de Schneider, qui présidait, et lui raconta que son parent, receveur général à Colmar, avait été enlevé et conduit à Rastatt, où il était retenu prisonnier. Bussières demandait à Schneider de faire, s’il se pouvait, intervenir la diplomatie, afin que le captif fût remis en liberté. Schneider répondit : « Ah ! votre cousin est à