Page:Du Camp - Souvenirs d’un demi-siècle, tome 2.djvu/9

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHAPITRE PREMIER

LE MINISTÈRE PALIKAO



COMMENT ÉMILE OLLIVIER QUITTA LE MINISTÈRE DE LA JUSTICE. — DÉSORGANISATION, IRRÉSOLUTION. — COUSIN-MONTAUBAN, COMTE DE PALIKAO. — LES MINISTRES. — LES APPRÉHENSIONS DE L’IMPÉRATRICE. — ELLE PROPOSE AU MARÉCHAL CANROBERT LE GOUVERNEMENT DE PARIS. — REFUS MOTIVÉ DU MARÉCHAL. — SINGULIÈRE DÉCOUVERTE. — L’AFFAIRE DE LA VILLETTE. — LA SALLE DE LA RUE DE LA SOURDIÈRE. — LES ORATEURS. — JULES SIMON SUISSE. — SA MOTION. — DÉFAITES ESPÉRÉES. — PROJET DE COUP D’ÉTAT. — DISCUSSION AU CONSEIL DES MINISTRES. — RECULADE. — AJOURNEMENT. — LE GÉNÉRAL TROCHU ENTRE EN SCÈNE. — SA PROCLAMATION. — ADRESSE EN RÉPONSE À LA PROCLAMATION TROCHU. — LES CONDITIONS DE TROCHU SONT REPOUSSÉES PAR L’IMPÉRATRICE. — CONFLIT PERMANENT ENTRE TROCHU ET PALIKAO. — LOQUACITÉ MANIAQUE. — CORBON. — NON, TROCHU NE FUT PAS UN TRAÎTRE. — TROCHU IDOLE DE PARIS. — LES COMBATS SOUS METZ. — INCAPACITÉ DE BAZAINE. — GRAVELOTTE. — FAUSSES NOUVELLES. — LES CARRIÈRES DE JAUMONT. — PRÉVISION DE JULES BRAME.



LORSQUE, dans la soirée du 9 août 1870, Émile Ollivier quitta le ministère de la Justice, il fut insulté par les huissiers et les garçons de bureau. Avec un sourire amer, il se tourna vers Albert Petit, qui l’accompagnait, et répéta la parole de Mirabeau : « La roche Tarpéienne est près du Capitole. » Il traversa le jardin de la Chancellerie, sortit par la rue Neuve-du-Luxembourg, qui s’appelle actuellement la rue Cambon, et prit sa route à pied. Lorsqu’il passa dans la rue Saint-Florentin, il fut reconnu, injurié, frappé. Le groupe dont il était entouré le pressait ; on le menaçait de l’assommer, on criait : « À l’eau le traître, à la lanterne ! » Par bonheur, la petite porte du ministère de la Marine était ouverte ; Ollivier s’y précipita, ressortit par la rue Royale et, à l’aide de ses longues jambes, put faire perdre sa trace dans les Champs-Élysées. Il se réfugia rue de Lille chez un de ses amis, où il dit : « Je secoue la poussière de mes souliers