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THÉOPHILE GAUTIER.

cette civilisation où tout est prévu, où tout homme est étiqueté, où l’initiative individuelle est souvent contrariée par les exigences de la collectivité, où l’on doit naître, vivre, mourir selon la règle, où certain costume même est de rigueur, où l’amour n’est légitime que devant le notaire, où la poussée des foules contraint les âmes délicates à se replier sur elles-mêmes, où les entrepreneurs de journaux gourmandent les poètes et les menacent de les mettre au pain sec : toutes choses dont il avait souffert. Il se demande si, au lieu d’être civilisés, comme nous nous en vantons, nous ne serions pas des barbares décrépits. Aux hommes politiques, que la frénésie de leur ambition a entraînés dans les guerres civiles, il dit : « L’avenir ne saura que vous avez été un grand peuple que par quelques merveilleux fragments retrouvés dans les fouilles. » Il regrette le départ des Mores : « L’Espagne n’est pas faite pour les mœurs européennes. Le génie de l’Orient y perce sous toutes les formes et il est fâcheux peut-être qu’elle ne soit pas restée moresque ou mahométane. » À Cordoue, dans la mosquée, qui reste admirable, malgré les mutilations qu’elle a subies, il est plus affirmatif : « J’ai toujours beaucoup regretté, pour ma part, que les Mores ne soient pas restés maîtres de l’Espagne, qui certainement n’a fait que perdre à leur expulsion. »

Lamentations d’un artiste qui aime la couleur, les beaux harnachements, les combats chevaleresques, et qui, parfois, regarde trop l’histoire à travers le