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LA JEUNESSE.

provisions que ma mère m’apportait restaient empilées dans mes poches et y moisissaient. Quant à la nourriture du réfectoire, mon estomac ne pouvait la supporter. J’étais là dedans comme une hirondelle prise qui ne veut plus manger et meurt. On était, du reste, très content de mon travail et je promettais un brillant élève, si je vivais. » Dieu soit loué, il a vécu, et à l’opposé de tant d’écoliers offerts en exemple à leurs condisciples, il ne s’est pas contenté d’avoir été un élève brillant.

Il fut alors externe au collège Charlemagne, c’est-à-dire qu’il y assistait aux classes, deux heures le matin, deux heures dans l’après-midi ; le reste du temps il était libre, vivait dans la famille, indispensable à tout enfant, et faisait son travail scolaire, apprenant ses leçons, traduisant ses versions et ses thèmes, sous la direction de son père, qui était un bon humaniste. Théophile Gautier en profita, et en profita si bien, que je l’ai vu chez moi, vers 1860, faire, à première lecture, la traduction d’un fragment de Tacite, qu’il accompagna d’un commentaire qu’eût envié plus d’un maître ès langue latine doublé d’un professeur d’histoire. En la maison paternelle il retrouva non seulement la tendresse et la liberté dont il avait besoin, les leçons d’un maître comprenant et développant les aptitudes de son élève, — ce qui est rare, — mais il trouva des livres — histoire, poésie, romans, récits de voyages et d’aventures — que déjà il aimait avec passion. Il raconte que, par suite d’un effort de volonté et d’amour--