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THÉOPHILE GAUTIER.

maison d’enseignement. Petit, chétif, de santé malingre, rêveur, sans goût pour les jeux bruyants, effaré, désespéré, il languissait dans cette atmosphère alourdie où nul aliment n’était offert à ses instincts, à son esprit, à son cœur. On lui enseignait, il est vrai, que Cornu est indéclinable et que Tonitru fait Tonitruum au génitif ; c’était une mince compensation aux souffrances qu’il endurait, mais qu’il taisait avec la timidité native dont il n’a jamais pu se dégager complètement.

Son père, grâce au ciel, était un homme intelligent, qui ne l’avait pas livré, comme tant d’autres, à l’internat des collèges afin de se ménager quelque liberté d’allures. L’enfant fut retiré de sa geôle et ramené au logis ; il était temps : silencieux, affaibli, indifférent à toute chose, il s’étiolait, déprimé par le régime moral à l’aide duquel — j’en demande pardon à l’Université — on a plus atrophié de caractères que l’on n’en a développé. Quarante-cinq ans après avoir quitté les bas bleus, le frac d’invalide, la cravate de cotonnade blanche qui constituaient alors l’uniforme des collégiens, Théophile Gautier a écrit : « Je fus saisi d’un désespoir sans égal que rien ne put vaincre. La brutalité et la turbulence de mes petits compagnons de bagne me faisaient horreur. Je mourais de froid, d’ennui et d’isolement entre ces grands murs tristes, où, sous prétexte de me briser à la vie de collège, un immonde chien de cour s’était fait mon bourreau. Je conçus pour lui une haine qui n’est pas éteinte encore…… Toutes les