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LA JEUNESSE.

brée de ces futurs capitaines de lettres qui paraissaient ignorer qu’ils vieilliraient eux-mêmes et ne pas se douter que caducité classique et caducité romantique, c’est tout un. La jeunesse est excessive, ce qui est naturel ; tout son être est en effervescence et remué par mille aspirations confuses ; elle est intolérante parce qu’elle est sans expérience et que les points de comparaison lui manquent ; elle est sans pondération, parce qu’elle ne s’est pas heurtée aux obstacles de la vie ; elle ne croit pas au temps et aux modifications qu’il apporte avec lui — insensiblement et si rapidement néanmoins — parce qu’elle n’en a pas encore senti l’action permanente. Vaillance et folie du jeune âge, cela se ressemble, et il n’en faut point médire, car c’est presque toujours un gage de force pour les heures de la maturité.

De ceci doit-on conclure que les jeunes gens qui composaient le Cénacle étaient destinés à devenir tous de grands hommes ? Non certes ; il y avait là des rêvasseurs illusionnés sur eux-mêmes, stériles, dupes de la comédie qu’ils jouaient, avortés et dont l’avenir lumineux qu’ils se promettaient tomba naturellement dans l’obscurité. À plus d’un l’on aurait pu appliquer le mot de Rivarol : « C’est un terrible avantage que de n’avoir jamais rien fait, mais il ne faut pas en abuser. » En somme, un seul d’entre eux s’est fait un nom qui ne périra pas : c’est Théophile Gautier. Gérard de Nerval, par lequel il avait été devancé au début de la vie, n’a jamais dépassé une limite moyenne assez restreinte, n’a point fait sa trouée