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LE CRITIQUE.

Duviquet avaient imposées, elle avait successivement appelé Alexandre Dumas, Frédéric Soulié, Granier de Cassagnac ; puis Gérard de Nerval en collaboration avec Théophile Gautier ; ils signaient G. G. pour parodier le J. J. de Jules Janin, qui restait seul chargé du feuilleton du Journal des Débats qu’il avait d’abord partagé avec Lœve-Veimars, après la retraite de Duviquet. Gérard de Nerval était d’esprit nomade et d’instincts vagabonds ; il ne put s’astreindre à une besogne qui comportait quelque régularité. Théophile Gautier, plus sédentaire, demeura seul au rez-de-chaussée du journal la Presse pour édifier le public sur la valeur littéraire de pièces qui, le plus souvent, n’en avaient aucune.

Dans ce métier — c’en fut un pour lui, rien de plus — il déploya des qualités de premier ordre, et plusieurs de ses articles, qui sont de véritables chefs-d’œuvre, restent enfouis et comme perdus au milieu de « la copie » hebdomadaire qu’il était obligé de produire. À cet égard, il ne se faisait aucune illusion et disait : « Le livre seul a de l’importance et de la durée ; le journal disparaît et s’oublie. Étienne Bequet a fait pendant quinze ans la critique au Journal des Débats : qui s’en doute aujourd’hui ? mais tout le monde a lu, tout le monde lira le Mouchoir bleu, une plaquette qui n’a pas vingt pages. Le feuilleton est un arbuste qui perd ses feuilles tous les soirs et qui ne porte jamais de fruits. » On peut dire, sans exagération, que pendant toute son existence de critique dramatique il a fait ses articles avec découra-