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THÉOPHILE GAUTIER.

gement sinon avec dégoût. Cela se comprend, il était là comme un rossignol en cage ; toutes les fois qu’il voulait prendre son vol pour aller chanter sous le ciel libre, le feuilleton le retenait et le forçait à psalmodier la complainte du cinquième acte ou l’épithalame du jeune premier épousant la jeune première. Plus d’une fois — et je ne l’en puis blâmer —, il s’est déchargé de cette besogne sur quelque ami compatissant qui soulevait ses chaînes de bon cœur, pour l’empêcher d’en sentir le poids.

S’il eût été moins assujetti, s’il eût choisi ses sujets au lieu d’être contraint de les subir, il eût, à son œuvre, pu ajouter des œuvres considérables. Il avait déjà donné la preuve de ce que sa connaissance de l’histoire, son goût pour notre vieille littérature, son esprit perspicace, lui permettaient de faire. Si, au lieu de bâcler deux mille feuilletons, Théophile Gautier, tout en écoutant la Muse qu’il adorait, avait eu le loisir d’écrire une histoire de la littérature française, quel régal pour les raffinés, quel trésor pour les savants, quelle bonne fortune pour tout le monde ! Par ce qu’il avait fait dès l’âge de vingt-trois ans, on peut apprécier ce qu’il aurait pu faire dans la maturité du savoir et de l’intelligence.

Le 1er décembre 1833, Théophile Gautier signa avec Charles Malo, directeur de la France littéraire un traité par lequel il s’engageait « à composer une série d’articles, sous le titre d’Exhumations littéraires. Cette série formera une étude complète des