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THÉOPHILE GAUTIER.

de la manière dont la critique a pris Robert Macaire. Ton article particulièrement l’a touché. Tu n’en as dit que quelques mots en passant. Je suis trop sincèrement ton ami pour ne pas t’en vouloir. Quand un acteur de génie crée un rôle comme Frederick a créé celui-là, quand il prodigue, en un soir, plus de bouffonnerie qu’il n’y en a dans Gallot, plus de fantaisie qu’il n’y en a dans Hoffmann, plus d’ironie qu’il n’y en a dans Byron, quand il vaut Molière, quand il résume dans un éclat de rire colossal toute la douloureuse moquerie d’un siècle, cela vaut mieux que cinq ou six lignes froides, et il est permis aux crétins de rester indifférents, mais non à ceux qui, comme toi, représentent l’art et sont chargés de le défendre et de le glorifier. C’est à nous, poètes, de soutenir les grandes choses et de consoler le génie que tant d’envie abreuve. Je te dis très sincèrement que tu as manqué à ce devoir. » Quoi, Gallot, Hoffmann, Byron, Molière, à propos de Robert Macaire joué par Frederick Lemaître ! Pourquoi pas Homère, Eschyle, Aristophane ? Nulle bonne volonté, si indulgente qu’elle soit, n’est à la hauteur de telles prétentions. Je ne sais si Gautier a riposté ; j’en doute, car sur de semblables matières il y avait longtemps que rien ne l’étonnait plus, mais j’imagine que son ironie a dû sourire.

Cette ingrate besogne était-elle du moins convenablement rémunérée et lui accordait-elle une existence dénuée de soucis ? À cette question nous pouvons, grâce à M. Spoelberch de Lovenjoul, répondre