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LE CRITIQUE.

d’une façon précise : de 1836 à 1851, c’est-à-dire en l’espace de quinze années, le relevé des sommes reçues au journal la Presse par Théophile Gautier accuse un total de 100 330 francs et quelques centimes : soit, en moyenne, 6 500 francs par an[1] ; ce qui n’a rien que de modeste. On pourrait croire qu’en revanche les procédés étaient irréprochables, que l’on comprenait l’avantage d’avoir un tel nom au bas des feuilletons du lundi et que l’on savait gré au poète de négliger la poésie pour écrire des articles de critique ; on se tromperait. Un incident, qui fut très pénible à Gautier, prouvera comment celui que, non sans raillerie, il appelait « son maître », c’est-à-dire Émile de Girardin, comprenait le respect dû à l’indépendance et au talent des écrivains auxquels le journal qu’il dirigeait devait le succès. Le 1er février 1847, Gautier, après avoir rendu compte de pièces jouées à la Comédie-Française, au Vaudeville, au Cirque Olympique, au théâtre des Variétés, terminait son feuilleton hebdomadaire en disant : « Cette année commence mal. Ce ne sont de tous côtés que nouvelles funèbres. Voilà Chaudesaigues, un poète devenu critique, faute de pain, comme nous tous, qui tombe, l’autre jour, sur la première page de son feuilleton, et là-bas, sous ce beau soleil d’Alger, s’éteint à l’hôpital du Dey, Benjamin Roubaud, le peintre avec qui nous

  1. Voir Spoelberch de Lovenjoul. loc. cit. ; introduction, xviii et suiv.