Page:Du Deffand - Correspondance complète de Mme Du Deffand avec ses amis, tome 1.djvu/253

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à vous. Croyez que vous n’êtes pas la seule qui faites des châteaux en Espagne ; je me trouve souvent dans la petite maison des jeudis au soir, où vous êtes maîtresse absolue. Adieu, ma reine. Qu’il serait joli que cela fût réel ! c’est ma seule ambition ; ce qui vous surprendra, c’est que je n’en désespère pas. Adieu, donnez-moi de vos nouvelles souvent, croyez que vous n’en donnerez jamais à quelqu’un qui vous aime plus tendrement[1].




LETTRE 2.
LA MÊME À LA MÊME.


Fontainebleau, 7 octobre 1739.

Vous êtes aussi aimable la nuit que le jour ; l’insomnie vous sied parfaitement je ne saurais vous cacher que je ne suis pas trop fâchée de cette petite incommodité, pourvu qu’elle ne dure pas. Je suis extrêmement flattée que, pour vous amuser, vous ayez pensé à m’écrire. Tout ce que vous me mandez d’obligeant m’enchante. Quoique l’homme soit porté à avoir beaucoup d’amour-propre, je vous dirai franchement que je ne crois point avoir toutes les bonnes qualités que vous me prodiguez. Quand je lis vos lettres je m’imagine que je rêve, et je vous avoue que j’appréhende le réveil ; car il est agréable d’être loué par quelqu’un qui se connaît bien en mérite. Ce qui me fait croire que je n’en suis pas absolument dépourvue, c’est la connaissance que j’ai eue de vous, et qu’aussitôt que je vous ai vue, j’ai senti tout ce que vous valez : voilà sur quoi on me doit louer et sur quoi je prends bonne opinion de moi. Le reste, je l’attribue à l’amitié que vous avez pour quelqu’un dont nous

  1. Cette lettre et les suivantes émanent de Pauline-Féiicité, la seconde des cinq filles du marquis de Nesle, toutes maîtresses, au moins quatre sur cinq, de Louis XV. Née en août 1712, elle venait d’épouser (septembre 1739) Jean-Baptiste-Félix-Hubert, comte de Vintimille, mestre de camp de cavalerie, neveu de l’archevêque de Paris et beau-frère de M. de Nicolaï, premier président de la Chambre des comptes. Madame de Vintimille mourut de suites de couches, en septembre 1741. M. de Rupelmonde « qui lui avait procuré une lettre de madame du Deffand » était le comte de Rupelmonde, maréchal de camp, tué au combat de Pfaffenhoffen, en 1745. Sa femme, encore jeune et jolie, dame du palais de la reine, prit le voile aux Carmélites de la rue de Grenelle, le 7 octobre 1751 (Barbier, t. V, p. 109). Elle était née Marie-Chrétienne-Christine de Grammont, fille du duc de ce nom. (L.)