Page:Du Deffand - Correspondance complète de Mme Du Deffand avec ses amis, tome 1.djvu/254

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n’ignorons pas les sentiments, et que vous savez qui vous est tendrement attaché[1].

Vous me reprochez de ne vous point mander de nouvelles, c’est qu’il n’y en a pas : nos voyages de La Rivière[2] sont fort simples ; les princesses y ont été, malgré leur différend avec la maîtresse de la maison[3]. Nous n’irons point à Choisy, pendant Fontainebleau : s’il y avait quelque chose de nouveau je vous le manderais, non par la poste, mais par Grillon ou M. de Rupelmonde, qui est chargé de vous rendre cette épître. Que je vous sais bon gré, ma reine, de parler de moi avec ces dames et le président ! Je serai très-aise de vous devoir leur estime et quelque part dans leur amitié ; comptez que je serais comblée de joie d’être à portée de les voir souvent, et vous savez que je les trouve aimables. Vous avez bien raison de croire que je ne suis pas parfaitement contente. Avant que de vous connaître je me croyais heureuse ; mais depuis que la connaissance est faite, je trouve que vous me manquez, et la distance qu’il y a entre nous met un noir et un ennui dans ma vie, qui ne se peut exprimer. Vous conclurez de là, avec raison, que vous faites mon bonheur et mon malheur. Je suis touchée, comme je le dois, de ce qu’on vous mande de Bretagne ; je pense de même sur la longueur du temps la fin novembre n’est pas prochaine. Vous êtes étonnée, dites-vous, que les gens qui se conviennent ne soient pas assortis ; je ne vois que cela dans le monde je ne sais d’où cela vient, si ce n’est que l’on nous assure que nous ne devons pas être parfaitement heureux dans cette vie ; je crois que l’étoile y fait beaucoup. Enfin je ne veux pas penser à tout cela ; je ne désespère pas d’être contente un jour, c’està-dire de vivre avec vous, avec votre société : voilà toute mon ambition. Vous me parlez de madame du Châtelet, je me meurs d’envie de la voir : actuellement que vous m’avez fait son portrait, je suis sûre de la connaître à fond. Je vous suis obligée de m’avoir dit ce que vous en pensiez, j’aime à être décidée par vous : je ferai en sorte de la voir, et le roi de Prusse fera

  1. Sans doute sa sœur, madame de Mailly. (L.)
  2. La Rivière appartenait à madame la comtesse de Toulouse. (L.)
  3. Voir sur ces différends, provoques par des demandes de rang et de titres, réclamés par les princes dits légitimés, qui cherchaient a profiter de toute occasion pour se relever des déchéances de la Régence et sur ces séjours à La Rivière, les Mémoires du duc de Luynes, t. III, p. 218 et suiv., 258, 264. (L.)